L’exercice pédagogique du chantier-école existe au département des restaurateurs depuis la création de l’Institut français de restauration des œuvres d’art en 1977. La programmation des cours est organisée de manière à réserver des semaines entières pour permettre l’organisation de ces chantiers, en octobre, en février et en juin. Il s’agit de mener une étude préalable ou des traitements sur un ou plusieurs biens culturels conservés dans une institution patrimoniale en travaillant in-situ.
Les chantiers sont organisés par spécialité, parfois en collaboration avec d’autres formations en conservation-restauration, comme l’École supérieure d’art Tours – Angers – Le Mans. Ces chantiers durent une ou deux semaines et sont préparés et encadrés par les enseignants (responsable ou assistant) ou par un intervenant extérieur, un restaurateur diplômé. Cette mise en situation professionnelle permet aux élèves de se projeter sur des interventions dans un temps limité, de réfléchir et de mettre en œuvre la logistique afférente, de travailler en équipe, de se confronter à la monumentalité et/ou à la masse dans des lieux parfois contraints ou des installations de chantier, de découvrir toutes les dimensions (historiques, d’organisation, etc.) de l’institution culturelle qui les accueille, d’établir des relations professionnelles avec le responsable scientifique des œuvres ou du lieu, de gérer la documentation en chantier et de réfléchir à une organisation de travail.
À cette occasion, l’institution d’accueil bénéficie d’un travail d’étude, de conservation préventive et/ou de traitement d’une partie de ses collections. Les protocoles établis par les élèves et leurs conclusions sont remis à l’institution d’accueil dans les mois qui suivent la fin du chantier-école, sous forme de rapport et de restitution orale dans la plupart des cas.
Un chantier commun avec la filière CRBC de l’ESAD
Du 3 au 7 juin s’est tenu un chantier école de la spécialité Sculpture du département des restaurateurs de l’Inp et de la filière Conservation-restauration des biens culturels spécialité Œuvres sculptées (CRBC) de l'École supérieure d'art et de design (TALM ESAD) de Tours.
Valentine Lemille, Bertil Joris et Louwik Barbedette élèves en 3ème année et quatre élèves de l’Ecole de Tours, Louise Perrier, Claire-Marie Hallay, Paul Quentin, Mathilde Cummins sont intervenus sur la collection lapidaire issue de la statuaire extérieure de Notre-Dame de Paris. Les travaux, encadrés par Hélène Dreyfus et Marie Gouret, enseignantes, ont été programmés et supervisés par Damien Berné conservateur au musée de Cluny et facilité par l’équipe de la régie du Musée Cluny coordonnée par Lora Houssaye.
Un travail spécifique sur le portail central de la cathédrale
Le musée conserve en effet de nombreux fragments des portails et de la galerie des Rois retrouvés en fouilles dans les années 1970. Ces fragments sont issus des vandalismes révolutionnaires et leur étude permet une meilleure connaissance des décors originaux de la cathédrale. Ce chantier-école s’inscrit dans une plus vaste campagne d’étude et de traitement de ces vestiges archéologiques dont certains seront présentés dans la prochaine exposition « Faire parler les pierres. Sculptures médiévales de Notre-Dame de Paris » qui aura lieu au musée de Cluny du 19 novembre au 16 mars 2025.
Les élèves ont travaillé à l’étude d’une cinquantaine de fragments issus du portail central de la cathédrale. L’étude de la mise en œuvre (relevé et interprétation des traces d’outils et de polychromie) permet de discriminer le corpus et d’effectuer des rapprochements entre les blocs. Ainsi plusieurs plans de contact ont été identifiés permettant de définir des critères communs de mise en œuvre pour cet ensemble.
Les élèves ont également réalisé des interventions de conservation-restauration sur certaines œuvres du portail central, qui seront présentées à l’exposition mais également sur des éléments originaux de la galerie des Rois.
Une méthodologie commune
Chaque objet est étudié selon une méthodologie commune : étude technique de la mise en œuvre, constat d’état et couverture photographique. Les fragments sont ensuite dégagés mécaniquement des dépôts exogènes liés à l’enfouissement (terre, plâtre, mortier) puis nettoyés par micro-sablage (projection d’abrasif fin). Les étudiants ont également réalisé des travaux de structure : recollages de fragments et goujonnages.
Parmi les acquis pédagogiques de cette expérience, les élèves ont organisé la logistique en amont du chantier et pendant. Ils ont réuni la liste du matériel et des consommables, réfléchi aux installations de chantier et organisé le déplacement des blocs. Ils ont installé les postes de travail en autonomie afin d’améliorer l'efficacité de la chaine opératoire (constats, saisies, prises de vue, nettoyage...). La collaboration entre les élèves de formations différentes leur a permis d’échanger sur leurs pratiques et de découvrir de nouveaux partenaires de travail, avec lesquels ils seront certainement amenés à collaborer dans leur pratique professionnelle.
Les élèves du département des restaurateurs publient dans Variations patrimoniales, le carnet de recherche Hypothèse de l'Institut, les comptes-rendus des chantiers-école les plus marquants : https://inp.hypotheses.org/category/preserver-et-transmettre/chantiers-ecole